Quel régime applicable en cas d’accident par une pelle mécanique ?

En 2011, Monsieur F. a été gravement blessé par un engin de terrassement : il a été heurté par le godet d’une grue.

La question soumise au Tribunal Judiciaire de PERIGUEUX était de savoir si la Loi Badinter du 5 juillet 1985 s’appliquait ou l’article 1242 alinéa 1 du code civil (responsabilité du fait des choses).

La juge a engagé la responsabilité de la société utilisatrice de la grue sur ce dernier fondement considérant que l’accident a été causé par une fonction outil de l’appareil et non par sa fonction de déplacement.

Elle rappelle en effet que « un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur ne conduit pas nécessairement à l’application de la Loi Badinter. Lorsque l’accident est causé par une fonction « outil » et non sa fonction même de déplacement, la jurisprudence considère qu’il ne peut s’agir d’un accident de la circulation. De nombreux véhicules disposent d’une fonction « outil », notamment les utilitaires et les véhicules professionnels… En l’espèce, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que la grue, au moment de l’accident, était en mouvement, de sorte que la fonction de déplacement est en soit étrangère au dommage subi. »

L’incidence professionnelle d’un militaire

Monsieur D. a été victime d’un accident de la circulation en date du 16 novembre 2011.

Il était militaire de carrière (parachutiste) avec un bel avenir au sein de l’Armée. Malheureusement, à cause de l’accident, il n’a jamais pu reprendre sa carrière et a été réformé pour infirmité en 2019.

Le point querellé soumis à la Cour d’Appel de PAU concernait le poste de préjudice de l’incidence professionnelle.

Le Tribunal Judiciaire de BAYONNE l’avait fixé à 50.000 €. Maitre CHEVALLIER avait fait appel sur ce point.

La Cour l’a fixé à 350.000 €.

En effet, les magistrats ont suivi l’argumentation de Me CHEVALLIER selon laquelle son client subissait une perte de chance de monter en grade et d’avoir des promotions lui permettant d’avoir des soldes bien supérieures avec les primes y afférentes s’il avait poursuivi dans les forces spéciales. Mais ils en tempèrent la portée eu égard au fait que d’autres évènements accidentels n’étaient pas à exclure du fait des risques du métier de parachutiste et que la victime n’est pas inapte à tout emploi.

A titre anecdotique, il sera indiqué que l’assurance refusait initialement toute indemnisation de ce poste de préjudice…

Demandes complémentaires à l’expert médical

En cas, notamment, d’état antérieur, il ne faut pas hésiter à demander la désignation d’un sapiteur spécialiste dans le domaine litigieux et à lui poser les trois questions suivantes :

⦁ Dire si la pathologie de la victime s’était extériorisée avant l’accident sous la forme d’une quelconque invalidité
⦁ Dire si la victime souffrait d’une prédisposition pathologique qui a été provoquée ou révélée du fait de l’accident
⦁ Dans l’affirmatif, dire si la pathologie latente de la victime, révélée par l’accident, se serait manifestée dans un délai prévisible.

La conséquence juridique est importante car le juge peut aller à l’encontre des conclusions médico-légales si la causalité juridique est démontrée.

Les séquelles des traumatisés crâniens

Après une lésion cérébrale, la victime peut subir une multitude de problèmes transparents pour les autres, mais particulièrement handicapants au quotidien :

fatigue cognitive, problèmes d’équilibre, impulsivité, difficultés de mémoire à court terme, parler sans filtre, devenir monotâche, troubles de l’attention et / ou de la concentration, manque d’orientation dans l’espace, perte du goût et / ou de l’odorat, etc.

Des centres existent pour aider ces victimes et leur apprendre à gérer leurs séquelles, notamment à BORDEAUX ou LIMOGES.

Sur le plan médico-légal, il est nécessaire de demander un bilan neuropsychologique car peu d’experts sont spécialisés en la matière.

Le préjudice des autres membres de la famille

Si le préjudice des autres membres de la famille est évident en cas d’accident mortel, il n’est pas aisé d’obtenir des dommages et intérêts pour eux lorsque la victime est blessée sans être paraplégique ou tétraplégique.

Dans une affaire où l’époux avait été victime d’un accident ayant gravement blessé son genou et dans les suites duquel il n’avait jamais repris son travail et avait sombré en dépression à cause des douleurs, Maître Catherine CHEVALLIER avait demandé à l’assurance du responsable l’indemnisation des préjudices de l’épouse.

L’assurance avait refusé à l’amiable.

Maître Catherine CHEVALLIER l’a donc assignée au nom des deux époux.

Elle a notamment demandé pour l’épouse 15 000 euros au titre de son préjudice d’accompagnement.

L’assurance a proposé au juge de le fixer à 3 000 euros.

Le Tribunal de PERIGUEUX vient de donner raison à Maître Catherine CHEVALLIER : sa cliente a droit à la somme de 15 000 euros au titre du bouleversement qu’elle aussi, en tant qu’épouse, a subi et enduré.

Elle obtient aussi 5 000 euros au titre de son propre préjudice sexuel (« préjudice équivalent » selon le juge à celui de l’époux blessé, reconnu par l’expert médical) ou encore le remboursement de ses frais pour aller rendre visite à son époux.