Préjudice Esthétique Temporaire

C’est un poste de préjudice corporel souvent oublié mais il peut être important.

Dans une affaire, Maître CHEVALLIER avait obtenu de l’expert médical qu’il décrive que son client avait souffert du regard des autres, avant consolidation, compte tenu de ses blessures et de la modification de son apparence pendant plusieurs mois.

Le 29 septembre 2023, le juge alloue alors 2 500 euros au titre du PET puisque « il ressort du rapport d’expertise que l’usage d’un fauteuil roulant a été nécessaire durant cinq mois puis les déplacements de Monsieur V. se sont effectués à l’aide de cannes anglaises, ce qui a entrainé pour lui la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des autres. »

C’est toujours mieux que rien ! mais il s’agirait aussi de tenir compte des cicatrices qui ne sont pas apparues d’un seul coup à la consolidation et qui ont justifié un Préjudice Esthétique Permanent (PEP) de 2/7 ou encore la dimension psychologique de cette altération physique.

Il reste encore du travail pour faire modifier la jurisprudence locale…

ATI et DFP

Depuis le début de l’année 2023, la Cour de Cassation a changé sa jurisprudence relativement à l’imputation des rentes sur l’indemnité d’une victime obtenue au titre du Déficit Fonctionnel Permanent.

La question a été posée au Tribunal Judiciaire de PERIGUEUX concernant l’Allocation Temporaire d’Invalidité versée par la Caisse des Dépôts et Consignations à un agent hospitalier.

Maître Catherine CHEVALLIER soutenait que la rente perçue par son client, capitalisée par la CDC dans le cadre du procès, ne devait pas être déduite de l’indemnité demandée au titre de ses séquelles (DFP).

La CDC soutenait le contraire, tout comme l’adversaire.

La juge a suivi le raisonnement de Me CHEVALLIER et considéré que « les décisions rendues par l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation le 20 janvier 2023 ont opéré un revirement de jurisprudence en considérant désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, ce qui met fin à l’imputation des rentes accidents du travail – maladies professionnelles et assimilées, ainsi que des rentes et pensions civiles d’invalidité, tant pour les arrérages échus que pour ceux à échoir, sur le déficit fonctionnel permanent. Par ces arrêts, la Haute Juridiction a opéré un double revirement de jurisprudence intéressant le régime spécial d’indemnisation des victimes d’AT – MP, mais également le droit commun de la réparation du dommage corporel ».

La victime obtient donc 18.315 euros que la Caisse des Dépôts lui refusait !

Quel régime applicable en cas d’accident par une pelle mécanique ?

En 2011, Monsieur F. a été gravement blessé par un engin de terrassement : il a été heurté par le godet d’une grue.

La question soumise au Tribunal Judiciaire de PERIGUEUX était de savoir si la Loi Badinter du 5 juillet 1985 s’appliquait ou l’article 1242 alinéa 1 du code civil (responsabilité du fait des choses).

La juge a engagé la responsabilité de la société utilisatrice de la grue sur ce dernier fondement considérant que l’accident a été causé par une fonction outil de l’appareil et non par sa fonction de déplacement.

Elle rappelle en effet que « un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur ne conduit pas nécessairement à l’application de la Loi Badinter. Lorsque l’accident est causé par une fonction « outil » et non sa fonction même de déplacement, la jurisprudence considère qu’il ne peut s’agir d’un accident de la circulation. De nombreux véhicules disposent d’une fonction « outil », notamment les utilitaires et les véhicules professionnels… En l’espèce, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que la grue, au moment de l’accident, était en mouvement, de sorte que la fonction de déplacement est en soit étrangère au dommage subi. »

L’incidence professionnelle d’un militaire

Monsieur D. a été victime d’un accident de la circulation en date du 16 novembre 2011.

Il était militaire de carrière (parachutiste) avec un bel avenir au sein de l’Armée. Malheureusement, à cause de l’accident, il n’a jamais pu reprendre sa carrière et a été réformé pour infirmité en 2019.

Le point querellé soumis à la Cour d’Appel de PAU concernait le poste de préjudice de l’incidence professionnelle.

Le Tribunal Judiciaire de BAYONNE l’avait fixé à 50.000 €. Maitre CHEVALLIER avait fait appel sur ce point.

La Cour l’a fixé à 350.000 €.

En effet, les magistrats ont suivi l’argumentation de Me CHEVALLIER selon laquelle son client subissait une perte de chance de monter en grade et d’avoir des promotions lui permettant d’avoir des soldes bien supérieures avec les primes y afférentes s’il avait poursuivi dans les forces spéciales. Mais ils en tempèrent la portée eu égard au fait que d’autres évènements accidentels n’étaient pas à exclure du fait des risques du métier de parachutiste et que la victime n’est pas inapte à tout emploi.

A titre anecdotique, il sera indiqué que l’assurance refusait initialement toute indemnisation de ce poste de préjudice…

Demandes complémentaires à l’expert médical

En cas, notamment, d’état antérieur, il ne faut pas hésiter à demander la désignation d’un sapiteur spécialiste dans le domaine litigieux et à lui poser les trois questions suivantes :

⦁ Dire si la pathologie de la victime s’était extériorisée avant l’accident sous la forme d’une quelconque invalidité
⦁ Dire si la victime souffrait d’une prédisposition pathologique qui a été provoquée ou révélée du fait de l’accident
⦁ Dans l’affirmatif, dire si la pathologie latente de la victime, révélée par l’accident, se serait manifestée dans un délai prévisible.

La conséquence juridique est importante car le juge peut aller à l’encontre des conclusions médico-légales si la causalité juridique est démontrée.

Les séquelles des traumatisés crâniens

Après une lésion cérébrale, la victime peut subir une multitude de problèmes transparents pour les autres, mais particulièrement handicapants au quotidien :

fatigue cognitive, problèmes d’équilibre, impulsivité, difficultés de mémoire à court terme, parler sans filtre, devenir monotâche, troubles de l’attention et / ou de la concentration, manque d’orientation dans l’espace, perte du goût et / ou de l’odorat, etc.

Des centres existent pour aider ces victimes et leur apprendre à gérer leurs séquelles, notamment à BORDEAUX ou LIMOGES.

Sur le plan médico-légal, il est nécessaire de demander un bilan neuropsychologique car peu d’experts sont spécialisés en la matière.